Moqueries, insultes, menaces, racket, rumeurs, l’école peut parfois devenir le lieu de violences ordinaires. Selon une récente étude de l’UCL, un élève sur trois entre la 6ème primaire et la troisième secondaire, serait concerné par le harcèlement scolaire. 15% en seraient victimes, 10%, seraient harceleurs et 5% oscilleraient entre les deux catégories.

Les sources du conflit peuvent être multiples : origine sociale, ethnique, religieuse, orientation sexuelle, particularité physique, ou simplement bon élève envié par ses camarades. II n’y a pas véritablement de profil type de victime. II s’agit en général d’une petite différence qui est mise en exergue par le groupe. Dans certains cas, les phénomènes de violence répétées envers un enfant peuvent durer des mois voire des années.

Le harcèlement à l’école s’axe en réalité autour d’une relation triangulaire composé du harceleur, de la victime et du/des témoin(s). Chacun permet, par son comportement, aux deux autres d’exister. Si l’un des protagonistes ne joue plus son rôle, la dynamique de groupe est rompue. C’est pourquoi il est utile de s’attarder sur la place des témoins. Sans toujours s’en rendre compte, ils représentent pour le harceleur un soutien important. Que ça soit par leurs rires, leurs silences ou leurs prises de position afin de défendre la victime, ils ont le pouvoir de renforcer ou au contraire d’atténuer le harcèlement. En effet, dénué de public, le harceleur peut ne plus trouver d’intérêt à sa victime et lassé complètement passer à autre chose.

Pour la victime les conséquences peuvent être nombreuses : perte d’estime de soi, décrochage scolaire, problèmes de santé, dépression, manque de repères pour le futur, voire dans les cas les plus graves le suicide… Toutefois, les conséquences pour l’enfant harceleur sont aussi, bien réelles. Si un jeune prend l’habitude de s’exprimer par la violence, il pourra à, l’âge adulte, continuer à tyranniser son entourage car sa capacité à ressentir de l’empathie aura été pour ainsi dire réduite à néant. De la même manière que simplement le punir renforcerait son sentiment d’injustice et pourrait renforcer le phénomène plutôt que de l’arrêter. Pour les témoins, le sentiment d’insécurité et le stress pouvant être lié à la loi du silence, peuvent leurs donner une perception négative de l’école contraire aux valeurs de citoyenneté qu’elle est censée véhiculer.

Avec le développement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, une nouvelle forme d’expression du harcèlement est née : le cyber-harcèlement. Si celui-ci ne semble pas avoir amplifié le nombre de victimes du phénomène, il vient en général compléter les violences répétées dans l’enceinte de l’école. Avant l’explosion d’internet, les enfants maltraités pouvaient respirer une fois rentrés à la maison. Aujourd’hui, la persécution peut être incessante car ils sont joignables en permanence par différents canaux. De plus, cachés derrière un écran, certains élèves qui n’auraient pas particulièrement participé au lynchage dans une cours de récré, viennent ici encourager et augmenter la violence des propos sans toujours en mesurer la portée.

Toutefois le cyber-harcèlement a permis de mettre en lumière un phénomène souvent minimisé par les adultes. « Cela a toujours existé », « ce sont des histoires de gosses », « ce n’est pas notre responsabilité » sont des excuses devenues intolérables pour beaucoup. Les parents se rendent compte peut-être plus facilement qu’auparavant des violences subies par leur enfant et ont des preuves écrites pour en attester.

Si en théorie les victimes semblent bien protégées par différents articles de lois ou de décret, dans les faits la situation est plus compliquée. Les procédures sont parfois longues mais surtout difficilement accessibles aux jeunes en détresse relationnelle. En effet, seul 5 à 15% des victimes osent en parler par peur des représailles, par honte ou par manque d’informations, à un adulte.

Les jeunes veulent avec le CEF interpeller les adultes sur le manque criant de solutions immédiates qui leur sont proposées quand ils se sentent engouffrés dans la spirale de cette violence à l’école. Nous voudrions qu’à terme toutes les écoles prennent le problème à bras le corps et développe, comme le prévoit l’article 8 du Décret Missions, les dispositifs nécessaires pour réduire sensiblement la violence dans les écoles. Outils pédagogiques, espaces d’écoute, personnel encadrant formé, beaucoup de choses restent à créer.

Le projet que nous mettons en place (et dont nous vous reparlerons en détails dans les mois à venir) vise à sensibiliser l’ensemble des acteurs des secteurs de l’enseignement et de la jeunesse. Tandis que nombre de pays européens ont pris le problème au sérieux depuis plusieurs années en organisant de vastes campagnes de sensibilisations au harcèlement scolaire, la Fédération Wallonie-Bruxelles est à la traîne en la matière. Tout au plus quelques timides initiatives ont été lancées au cours des deux dernières années. Nous désirons que la Belgique prenne exemple sur ses voisins et se donne les moyens pour enrayer le phénomène.

Afin de pouvoir porter le projet jusqu’aux instances concernées, nous voulons mobiliser et rassembler un maximum de personnes autour de ce projet. Si nous ne pouvons être sûrs d’arriver à nos objectifs, nous voulons ouvrir le débat pour ouvrir les yeux de la société sur cette problématique complexe !

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