Du 17 Avril au 21 avril, le Comité des Elèves Francophones (CEF) a lancé une enquête auprès des élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin qu’ils et elles, au même titre que les enseignant-e-s, parents et directions, puissent s’exprimer sur la fin de l’année scolaire.

Nous avons récolté l’avis de pas moins de 5000 élèves, dont 36% de 6ème et 7ème années, les premier-ères concerné-es par le retour à l’école. Nous les avons interrogé-es sur leur état émotionnel en ce temps de crise, les apprentissages, l’organisation de la fin de l’année et de la reprise des cours.

Comment se sentent les élèves ?

1 élève sur 2 ressent des émotions négatives telles que l’inquiétude et la peur face à la propagation du virus et au déroulement des prochaines semaines, ou encore, l’angoisse de doubler et de ne pas savoir si un retour à l’école aura lieu ou non, et dans quelles conditions. Face à ce constat, il nous semble primordial de mettre le bien-être des élèves au centre de l’élaboration des mesures de déconfinement. Cela passe par des dispositions garantissant la santé de tou-tes les élèves, et par l’autorisation de ne pas se présenter en cours en cas d’une reprise le 18 mai tant que la sécurité sanitaire n’est pas assurée sur l’ensemble du territoire. Dans ce sens, la circulaire organisant la reprise de l’école, met certaines balises : les élèves pourront ainsi s’absenter sans que cela ait des répercussions sur leur année et des mesures sanitaires devront être respectées avant une quelconque réouverture. Cependant, nous pensons qu’il serait utile de renforcer les balises concernant l’accompagnement psychologique des élèves.

“J’ai peur de rater mon année, et de ne pas avoir de diplôme. J’ai peur que l’on nous fasse recommencer l’école trop tôt et qu’on finisse par infecter notre famille et nos amis”

Comment les élèves voient-ils la fin de l’année scolaire ?

Tout d’abord, plus de 3 élèves sur 4 pensent que la matière reçue à la maison doit continuer à porter sur des révisions, ce que nous soutenons pleinement. Quant à l’obligation de réaliser les travaux, 98,4% des répondants pensent qu’il serait injuste de sanctionner un élève n’ayant pas réalisé le travail demandé à domicile. Paradoxalement, 7 élèves sur 10 trouveraient normal de demander de rattraper le retard accumulé durant la période de confinement. À cet égard, il paraît nécessaire de rassurer les élèves : ces quelques semaines de confinement auront un faible impact sur leur scolarité, arrêtons de leur mettre la pression !

Comment les élèves voient-ils la décision du passage à l’année supérieure ? Près de 44,2% des élèves sondé-es considèrent que la décision du passage à l’année supérieure devrait revenir au conseil de classe (avec l’obligation, pour les écoles, d’organiser une seconde session en cas d’échec). Parmis les motifs évoqués par les élèves, on peut faire état que ceux et celles-ci veulent permettre à chacun-e d’avoir une chance de réussite ou ne veulent pas trop s’éloigner du fonctionnement habituel :

“Travailler à domicile engendre beaucoup d’inégalités entre les élèves ; et on devrait penser à ceux qui n’ont pas pu avoir une bonne moyenne durant l’année et qui misaient tout sur les examens de fin d’année.”

Notons aussi qu’un élève sur 5 est en faveur d’un passage automatique à l’année supérieure, ce qui n’est pas négligeable. Pour le CEF, cela ne se discute pas : le passage à l’année supérieure doit être automatisé, vu les circonstances actuelles.

Ensuite, à la question: “Quel critère considères-tu comme le plus important pour orienter la décision du conseil de classe?”, 66% des élèves répondent “les résultats d’épreuves organisées par les professeur-e-s durant cette année scolaire-ci”. Si c’est au conseil de classe de prendre la décision, comme le préconise la circulaire 7550, le CEF demande à ce que celle-ci soit avant tout prise en concertation et soumise à l’accord de l’élève et ses parents, auxquels devrait revenir la décision finale.

Qu’il s’agisse d’un passage automatique ou suite à la décision du conseil de classe, il est essentiel d’organiser une rencontre entre l’élève, ses parents et son-sa titulaire, afin d’établir un bilan constructif de l’année. Aussi, évitons à tout prix le redoublement, qui, comme précisé dans la nouvelle circulaire, devra être l’exception. En effet, celui-ci pourrait être vécu par l’élève comme une sanction supplémentaire dans une situation où le bien-être et l’épanouissement des jeunes sont fortement compromis.

Enfin, concernant la prolongation de l’année scolaire durant les vacances d’été, les élèves sont catégoriques : 92% votent contre ! La période de confinement les met à rude épreuve et ils ont besoin de ces 2 mois de repos pour revoir leurs amis et leur famille, mais aussi pour se consacrer à d’autres occupations que le travail scolaire. Comme le résume cet élève :

Nous n’avons pas de vacances pour le moment. C’est une période encore plus lourde à supporter que les mois d’école et supprimer une partie des vacances d’été ne mènerait qu’à faire baisser nos compétences et nos résultats car nous n’en pourrons plus”

Quand et comment reprendre l’école ?

La reprise de l’école avant la fin de l’année scolaire fait débat, même au sein des élèves. En effet, ils sont 1 sur 2 à ne pas vouloir retourner à l’école avant septembre. La raison principale étant la peur d’être contaminé ou de contaminer leur entourage. Si une reprise des cours a effectivement lieu le 18 mai pour certain-es, si leur école rouvre leurs portes, il faut donc s’attendre à ce qu’une bonne partie de ces élèves ne se présentent pas à l’école. Il faudra donc une prise en compte de ces élèves et réfléchir à des scénarios qui ne les pénalisent pas.

Dans le cas d’une reprise en septembre, ce qui nous paraît être l’option la plus raisonnable, la grande majorité (63,2%) des élèves aimerait rattraper le retard accumulé durant le premier trimestre. Il est clair que la rentrée de septembre sera particulière et que l’année 2020-2021 nécessitera des adaptations.

Et les rhétos dans tout cela ?

93% des rhétos ayant répondu au sondage veulent faire des études supérieures l’année prochaine et 7% veulent travailler. Qu’ils et elles veuillent faire des études supérieures ou travailler l’année prochaine, ils sont une majorité à vouloir que des mesures spécifiques soient mises en oeuvre pour les accompagner dans la suite de leur parcours. La circulaire prévoit aujourd’hui qu’une prolongation des études jusqu’au 1er décembre 2020 est possible pour les élèves devant passer un jury : nous demandons que cette mesure, ou d’autres mesures futures qui prolongeraient l’année d’un-e élève, n’aient aucun impact financier pour lui ou elle.

Et les élèves jobistes ?

Parmi les 4070 élèves sondés en âge d’avoir un job étudiant, 37,4% en ont un. Parmi eux-elles, 373 élèves (24%) comptent sur ce job pour financer une partie de leur scolarité. Ils - Elles demandent, en toute légitimité, que des mesures soient prises pour réduire l’impact de cette perte financière, que ce soit par une augmentation des allocations qu’ils-elles ou leurs parents reçoivent ou à travers une garantie de la gratuité des frais scolaires (rappelons que la gratuité scolaire est inscrite dans notre Constitution).

Conclusion

En tant que syndicat des élèves du secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles, le CEF rappelle la nécessité de prendre en considération l’avis de tous les acteurs du monde scolaire, élèves y compris. Le témoignage ci-dessous nous semble porter la voix de chaque élève, et ce, quelles que soient ses conditions de vie, sa filière d’enseignement ou sa région :

Notre voix n’est pas assez entendue. Même si l’on n’est pas adulte, il faut comprendre que nous aussi avons des sentiments et des craintes. C’est trop facile de nous envoyer au casse-pipe, au lieu d’attendre 1 ou 2 mois de plus. Le retard perdu n’est pas rattrapable en si peu de temps et tout le monde le sait. Qu’on nous laisse nous remettre de cette épreuve difficile car, quoi qu’on en dise, c’est dur pour nous autant que pour les parents ou les autres personnes”

Les écouter, les comprendre, leur laisser du temps… Cela n’a jamais été aussi facile de prendre en considération la parole des élèves.

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