C’était la bonne nouvelle de cette fin d’année, le Gouvernement de la Communauté Française nous présentait son petit miracle de Noël : un accord entre Ecolo, CDH et PS, mené par les ministres Nollet et Antoine, permettait de débloquer 55 millions d’euros, destinés à créer 13 750 places en urgence dans les écoles, tous réseaux confondus. Soit 22,5 millions destinés à installer des pavillons modulaires et 22,5 autres millions pour effectuer de légères rénovations de bâtiments existants dans l’enseignement fondamental. Les dix millions restants seront consacrés, eux, au secondaire. Parfait donc…

Oui mais voilà depuis fin novembre, quelques ombres sont venues noircir le tableau et beaucoup de voix s’élèvent contre ce plan d’urgence pas aussi idyllique que présenté par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour le CEF, la première invraisemblance de ce plan est qu’on ne parle que de création de places, de rénovation de bâtiments sans jamais évoquer l’engagement de profs. L’un ne va pourtant pas sans l’autre. Imaginez une classe toute belle, toute neuve, remplie d’écoliers attendant inlassablement un prof qui n’arrivera pas … Or on sait depuis longtemps que la Communauté française souffre d’une pénurie d’enseignants et que certaines classes sont déjà au bord de l’implosion avec leurs 33 élèves.

Mercredi dernier, Marie-Martine Schyns, Ministre de l’Enseignement Obligatoire, présentait l’état des lieux du nombre de places libres en maternelle et en primaire sur Bruxelles. Le constat est plutôt amer : seules 3400 places sont encore disponibles pour l’ensemble des neuf années du fondamental. Or l’augmentation est en moyenne de 2000 élevés par année et ces places ne sont pas reparties de manière uniforme sur l’ensemble du territoire. Elles se concentrent pour près de la moitié d’entre elles dans le sud de la ville là où la situation est moins alarmante. Ainsi, le taux de saturation des écoles sur Bruxelles atteint la moyenne de 97% là où les études tendent à prouver qu’il ne faut pas dépasser le taux maximum de 95% pour que cela reste supportable pour elles. Pourtant seules cinq communes sont en deçà de ce plafond.

  • Un problème de longue date

Face à cette situation critique, nombre de politiques se disent préoccupés et se rejettent mutuellement la faute. Ils nous parlent de l’ampleur du boom démographique comme s’il avait fallu attendre cette rentrée pour en connaitre l’envergure. Pourtant en 2010 déjà, l’Institut Bruxellois de Statistiques prévoyait que la population scolaire sur Bruxelles allait augmenter de 28 618 unités et de 22 780 unités en Wallonie, entre 2013 et 2020. Jean-Marc Nollet, Ministre du Logement, répond aux critiques, dans le Soir du 6 janvier, en se félicitant d’avoir réagi rapidement avec son plan pour 2017 qui devrait permettre de créer 23 500 places supplémentaires grâce à la rénovation et à l’aménagement de bâtiments existants et à la construction de nouvelles écoles.

Mais à l’aube de la rentrée 2014, les écoles et plus particulièrement les maternelles, suffoquent déjà et la solution miracle proposée par le Gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles n’oppresse qu’un peu plus les écoles déjà débordées administrativement. En effet, les délais impartis aux établissements pour remettre leur candidature, sont très courts. Si leur demande est acceptée, il leur faudra tous les trois ans remotiver leurs besoins afin de pouvoir continuer à bénéficier des pavillons modulaires. Sans compter que si un permis d’urbanisme est nécessaire, il incombera à l’école de faire toutes les démarches pour I ‘obtenir en heure et à temps.

Par ailleurs, le plan Nollet se focalise surtout sur I’enseignement fondamental au bord de l’implosion aujourd’hui. Mais qu’en sera-t-il dans quelques années quand tous ces enfants auront grandi ? Car comme le Décret Inscriptions le démontre depuis quelques temps, le secondaire est lui aussi saturé. Quand on voit le temps qu’il a fallu au Gouvernement pour décider de bouger concrètement sur la question dans le fondamental, on ne saurait que trop leur conseiller de lancer la machine au plus vite. II est temps de prendre les mesures qui s’imposent, de construire, de rénover, de former de nouveaux profs car l’enseignement secondaire ne serait pas capable de supporter une telle augmentation sans répercussions catastrophiques pour les élèves.

  • Retour aux PPP ?

Autre problème majeur déjà pointé par l’Inspection des Finances : le recours à une société anonyme. Une société privée n’est pas indiquée pour décider de l’attribution aux écoles des dits pavillons. Par ailleurs, elle pose également la question de qui sera du coup le propriétaire des containers mais surtout de celle de la provenance des 55 millions. Car si l’argent ne sort pas directement des caisses de la Fédération Wallonie Bruxelles, mais qu’il s’agit d’un emprunt, il devra y avoir retour sur investissements pour la SA c’est-à-dire le payement d’intérêts. Dès lors combien coutera réellement cet investissement ? Le CEF craint un retour à un partenariat public privé, comme il avait déjà été envisagé par Maria Aréna en 2008 et qui soulevé de vraies questions éthiques. L’école ne peut pas travailler pour servir les intérêts des entreprises privées.

En ignorant volontairement l’ampleur de la question du boom démographique et en sous­ finançant depuis de nombreuses années notre enseignement, le Gouvernement se retrouve aujourd’hui contraint de trouver des solutions dans l’urgence qui ne tiennent pas compte de bons nombres de facteurs. C’est pourquoi ces 55 millions débloqués si fièrement par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles semblent qu’être qu’un pansement sur une jambe de bois qui continue de faire de l’enseignement le parent pauvre de la Belgique.

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