La semaine dernière, le CEF dressait un petit topo des promesses électorales faites par les partis politiques, sur quatre grandes thématiques propres à l’enseignement : redoublement, frais scolaires, inscriptions, entreprenariat. Un autre sujet, très important mais finalement peu traité dans les programmes, a attiré notre attention : celui du tronc commun appelé continuum pédagogique en Belgique.

Actuellement en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’enseignement secondaire est divisé en 4 filières : général, transition technique ou artistique et professionnel. La première et la deuxième année constituent le premier degré, qui fait partie d’un continuum pédagogique, pendant lequel, à priori, les élèves ne peuvent pas doubler. C’est en troisième que le choix de la filière arrive. Si en théorie, les jeunes peuvent choisir avec laquelle d’entre elles, ils ont le plus d’affinités et veulent poursuivre leur parcours, il s’agit en réalité souvent d’une relégation négative des élèves en difficultés. Or à Bruxelles comme dans d’autres régions, le manque de qualification est le principal responsable du chômage des jeunes. En suivant ces voies, ceux-ci sont pourtant quasi assurés de trouver un emploi à la sortie du secondaire tant la pénurie est grande pour certaines professions manuelles. Mais comment demander à des jeunes de voir aussi loin alors qu’on leur donne la désagréable sensation qu’ils sont punis ? Pire, les dés semblent pipés d’avance : en effet, les enfants issus des communes à indice économique faible y sont plus facilement relégués. Pour exemple, seul 30% des enfants vivants à Saint-Josse sont maintenus dans le général à partir du second degré.

Un peu d’histoire

Pour comprendre, d’où vient le continuum pédagogique, il faut replonger dans les années 70 à l’époque de la réforme de l’enseignement secondaire rénové. Un des principaux buts de celle­ ci était de diminuer les différences, déjà présentes à l’époque, entre enseignement général et technique. Il fallait permettre à tous une égalité de traitement devant la réussite mais aussi d’éviter les choix trop précoces. La volonté était de refondre l’enseignement en une seule et même école mêlant les quatre filières jusque 14 ans afin de donner aux élèves une vision globale du monde du travail. Contrairement à notre système actuel qui ne fait place qu’à l’intelligence logico-mathématique et verbale-linguistique, cette école, très moderne, permettait à toutes les formes d’intelligences de se révéler.

Avec l’arrivée du décret Missions en 1997, les choses changent et l’égalité d’accès fait place à l’égalité des acquis. En effet, des socles de compétences à atteindre à la fin de la 2ème et 6ème primaire et de la 2ème secondaire sont établis. On ne laisse plus le temps aux enfants d’assimiler la matière. Réussir ces examens représente la condition sine-qua-non pour accéder au secondaire général et pour y rester. Au stress de ces nombreux examens sont venus se greffer d’autres tests externes Le CE 1D en fin de premier degré, soit seulement deux ans après le CEB, et obligatoire depuis 2012. Et le TESS à la fin des secondaires générales, lui aussi devenu inévitable depuis 2013, et auquel il faudra dès cette année ajouter deux nouvelles matières à réviser en plus du français et des maths : les langues modernes et les sciences. À ces tests généraux, rajoutons toutes les interrogations à préparer tout au long de l’année. Au final, communauté française, les élèves passent presqu’autant de temps à être sondés sur leurs connaissances qu’à réellement apprendre.

L’exemple finlandais

A titre de comparaison, l’enseignement finlandais prévoit un véritable tronc commun jusque 16 ans, pendant lequel les élèves n’ont pas à s’angoisser du temps qu’ils ont pour comprendre la matière. En effet, jusque 14 ans leur système d’évaluation est non sanctionnant. Il n’est là que pour indiquer les lacunes afin d’y remédier au plus vite par des cours de rattrapage immédiats. Le redoublement est quasi inexistant (moins de 1%). Notons également que leur cursus est pluridisciplinaire, faisant la part belle tant aux cours traditionnels qu’au cours plus techniques. Les jeunes peuvent ainsi s’initier au théâtre, à la musique, à la danse, à la mécanique ou à la couture tout au long de leur parcours scolaire. Arrivés à la fin de ce tronc commun, ils sont suffisamment armés pour pouvoir choisir vers quel métier s’orienter. Toutes les professions et toutes les formes d’intelligence sont valorisées permettant ainsi d’avoir de la main d’œuvre qualifiée dans tous les domaines qui forment la société.

Nouveau décret

Il y a deux mois, en fin de mandat, le CDH réaffirmait sa volonté de consolider le tronc commun dans le but de « revaloriser les filières techniques et professionnelles ». C’est ainsi que le 10 avril 2014, le décret relatif à l’organisation pédagogique du 1er degré de l’enseignement secondaire a été voté. Au programme, de très timides aménagements: sept domaines d’activités complémentaires ont été définis et les écoles ont le libre choix d’organiser, ou pas, 4 périodes par semaine parmi celles-ci. Quels sont ces nouveaux cours censés diversifier l’apprentissage des jeunes ? Le français, la langue moderne, les sciences et les mathématiques, les sciences humaines, les activités artistiques, les activités techniques, les activités physiques … rien de bien nouveau par rapport à ce qui existe déjà dans les cours traditionnels.

Avant de chercher à consolider le tronc commun, il s’agit surtout de le créer. Le CEF milite pour un véritable tronc commun multidisciplinaire jusque 16 ans qui laisserait place aux enfants d’apprendre à leur rythme sans pressions, sans risque de redoublement. L’orientation à la fin du premier degré devrait être dictée par les aptitudes individuelles et non par les origines socio-culturelles. Nous voulons qu’une réforme repense en profondeur notre enseignement afin de préparer les jeunes correctement et équitablement aux choix qui influenceront toute leur vie.

Monsieur, Madame, le/la futur(e) Ministre de l ‘Enseignement, la balle est dans votre camp !

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